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Deuxième édition du Dossier La brèche n. 1

Dossier n. 1 (II ed.)Nous publions ici la préface de la deuxième édition (Fribourg, novembre 2013) du « Dossier La brèche n. 1 » consacré à la modification de la loi universitaire du canton de Fribourg. En effet, les travaux mis en acte en 2007 par la Direction de l’Instruction publique, de la Culture et du Sport afin de modifier la loi universitaire du canton ont finalement abouti à un document définitif (1er octobre 2013) qui sera voté – et adopté! – par le Grand Conseil dans les mois à venir.

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Préface à la deuxième édition

Une première édition de ce dossier est parue au printemps 2013. La nouvelle Loi sur l’Université de Fribourg n’était alors qu’au stade d’avant-projet. Préparé par une com- mission ad hoc nommée par le Conseil d’Etat de Fribourg en 2007, il avait été rendu public le 25 juin 2012. Notre dossier visait à analyser de manière détaillée ses disposi- tions pour apporter une contribution à la mobilisation universitaire amorcée autour de la pétition lancée par le « comité des étudiants pour une université démocratique, plurielle et égalitaire ». Le Cercle La brèche avait pris part activement à cette mobilisation. Au- jourd’hui, quelques explications sont nécessaires pour mieux situer le contexte de cette deuxième édition.

La période de consultation s’est conclue le 31 octobre 2012. C’est sur cette base que le Conseil d’Etat a élaboré un projet de loi, intégrant plusieurs suggestions issues de la consultation. Ce projet de loi a été rendu public le 1er octobre 2013. Dans sa substance, il est très proche de l’avant-projet. La volonté de soumettre l’organisation de l’Université aux dictats économiques et financiers du marché est confirmée. Ce but est voué à se concrétiser par la prétendue « autonomie universitaire », mise en avant à plusieurs re- prises par le Conseil d’Etat. Les articles de loi demeurent fondamentalement inchangés malgré le tollé considérable soulevé lors de la consultation auprès d’associations et d’ins- tances diverses (AGEF, Jeunesse Socialiste, Faculté des Sciences, Faculté des Lettres, Département de Mathématiques, SSP, etc.). Ce n’est pas très étonnant. Dans sa réponse à la pétition du « comité des étudiants pour une université démocratique, plurielle et éga- litaire » datée du 1er octobre 2013, le Conseil d’Etat se distingue par un langage qui nous rappelle la novlangue de Georges Orwell. Sans prendre en considération aucune des cri- tiques émises, il explique sans vergogne que: « … l’esprit de la loi actuelle et celui de la modification proposée est en accord avec les grands principes formulés dans la péti- tion… » (sic!).

Venons-en aux points centraux de ce projet de loi. Toutes les considérations émises dans la première édition de ce dossier restent d’actualité. Le financement de l’université (art. 9b « Convention d’objectifs et enveloppe budgétaire »), clé de voute de l’autonomie, est resté identique. La convention d’objectifs, basée probablement sur des critères écono- miques et quantitatifs, permettra la planification et l’évaluation de l’université et la mise en concurrence des facultés.

Les sanctions disciplinaires (art. 11c) restent aussi telles quelles. La possibilité, prévue dans la nouvelle loi-cadre, de sanctionner des étudiant-e-s qui portent atteinte à « l’ordre universitaire » a été fortement critiquée par la quasi-totalité des organisations qui ont ré- pondu à la consultation. Celles-ci avaient demandé soit que la notion d’« ordre univer- sitaire » soit précisée soit qu’elle soit supprimée. Le Conseil d’Etat a développé dans cet article cinq dispositions quant aux punitions. Elles pourront s’appliquer contre les étudiant-e-s ou les auditeur-trice-s sans que soit pour autant précisée la notion d’ « ordre universitaire ». Ce concept reste donc à la libre interprétation du rectorat. Le chapitre 3 de ce dossier présente une analyse plus complète de cet aspect.

La fixation de nouvelles entraves pour l’admission d’étudiant-e-s étranger-ère-s (art. 21.4) reste inchangée.

En ce qui concerne le pouvoir accru du Rectorat (art, 11d, art. 17, art. 20 et art. 35), le projet de loi reprend exactement les formulations de l’avant-projet, comme nous l’avions déjà fait remarquer dans la première édition de ce dossier. L’article 35 attribue au Rec- torat des compétences en matière de « stratégie de communication et d’information » et vis-à-vis de l’approbation des règlements élaborés par les facultés. Cette dernière devrait toutefois être réservée au pouvoir législatif interne à l’université plutôt qu’à l’exécutif, représenté par le Rectorat. La même remarque est valable concernant le changement subtil de vocabulaire pour désigner les tâches stratégiques du Rectorat. En ce qui concerne les programmes d’études, le Rectorat n’est plus chargé de les « adopter », mais de les « valider ».

La création d’une unité centralisée pour la gestion du personnel (art. 11d.) est inquiétante, car elle s’inscrit dans la volonté d’intégrer toujours plus la culture entrepreneuriale et ses mécanismes dans la structure et l’organisation de l’université. Dans la même pers- pective, il faut souligner que le chapitre 6 de ce dossier, relatif au montant des taxes d’inscription et d’examens, est toujours d’actualité. Les dispositions du projet de loi sont semblables à celles de l’avant-projet. Une phrase a simplement été ajoutée : « Le mon- tant des taxes d’inscription et d’examens ne doit pas constituer un obstacle à l’accès aux études ». On tombe ici dans une contradiction : toute introduction ou augmentation des frais de scolarité est – par nature – un obstacle à l’égalité d’accès aux études. Ce principe se trouve, de plus, dans les dispositions mentionnées par le « pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels » des Nations Unies, ratifié par la Suisse le 18 juin 1992.

La seule modification substantielle introduite dans le projet de loi concerne la composi- tion du Sénat universitaire (art. 31). La loi abandonne l’idée d’une majorité de représen- tants extérieurs à la communauté universitaire (telle que présentée dans l’avant-projet). Toutefois, cette concession est compensée par l’accroissement de « l’influence de ces derniers en leur conférant la présidence du Sénat ». Cette petite reculade ne doit pas faire oublier que le premier rapport du groupe de travail chargé d’évaluer la loi prévoyait l’ex- clusion totale du Sénat des membres de la communauté universitaire. Là encore, on me- sure combien les critiques avancées lors de la procédure de consultation ont été faiblement prises en considération.

Au vu des changements dérisoires apportés à ce projet de loi par rapport aux critiques émises, il nous a semblé pertinent de rééditer ce dossier en ajoutant cette courte mise à jour en préface. Nous espérons ainsi contribuer à la mobilisation nécessaire pour faire échouer ce projet.

Cercle La brèche, Fribourg, novembre 2013 

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Documents (01.10.2013):

Projet de loi modifiant la loi universitaire

Message du Conseil d’Etat au Grand Conseil accompagnant le projet de loi

Résultats de la consultation: première partiedeuxième partie