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Violences faites aux femmes. Une lutte internationale nécessaire contre une oppression systémique

Tract distribué par le Cercle La brèche et le Mouvement pour le socialisme (MPS) lors de la manifestation contre les violences faites aux femmes qui s’est tenue aujourd’hui, samedi 24 novembre 2018, à Genève.

Les violences contre les femmes : un phénomène systémique

Les luttes féministes ont réussi à faire passer un message fondamental : les violences contre les femmes ne se limitent pas à un contexte culturel ou à un secteur professionnel particulier, mais sont le résultat d’une multitude d’oppressions : au sein de la famille, du couple, du travail et de l’espace public. Elles peuvent prendre différentes formes : violences physiques et verbales, mariages forcés, mutilations sexuelles féminines, viol et harcèlement sexuel, discrimination sociale, prostitution, lesbophobie et transphobie…

cette violence remplit une fonction bien précise dans une société capitaliste. Dans les pays du Sud, elle sert à terroriser la population rurale pour la contraindre à abandonner les terres fertiles (moyen de subsistance qui permet aux femmes d’avoir une certaine autonomie au sein de la communauté). Celles- ci sont par la suite occupées par de grandes entreprises. Elle sert aussi à désamorcer les conflits du travail, comme dans le cas des travailleuses de maquiladora, les grandes usines situées en Amérique Latine ou en Asie, où le viol est une pratique de contrôle social pour les femmes qu’y travaillent dans des conditions épouvantables. Finalement, elle sert aussi comme « exutoire » pour les hommes qui peuvent ainsi décharger contre les femmes leurs frustrations, par exemple en cas de précarité ou de stress au travail. Il s’agit alors d’une violence dont l’origine est institutionnelle. Elle découle de la destruction de l’État social et de la réduction des services publics. La précarisation de certaines couches sociales liée aux politiques néo-libérales crée aussi un terrain fertile pour les actes de violence.

Les femmes : nouvelle avant-garde internationale des luttes sociales ?

Dès l’été 2015, les femmes argentines de #NiUnaMe- nos ont été parmi les premières à dénoncer massive- ment les féminicides, les restrictions au droit d’avortement et les coupes budgétaires dans les programmes d’éducation sexuelle. Dès novembre 2017, ce furent les femmes italiennes de Non una di meno à dénoncer la violence de genre, mais pas seulement. Elles ont pointé du doigt aussi la diminu- tion du financement des centres antiviolences et la né- gation de facto du droit à l’avortement. En effet, 70% des médecins refusent toujours de pratiquer l’avorte- ment dans les hôpitaux.

Le 21 janvier 2017, aux États-Unis, au lendemain de l’investiture du président Trump, la Women’s Marcha rassemblé des millions de personnes dans plus de quatre-cents villes. Dans l’État espagnol, un mouvement féministe a émergé en 2011 pour lutter contre les restrictions au droit à l’avortement. À la suite de plusieurs mobilisations et à des actes de violence très médiatisés, ce mouvement a organisé une grève féministe le 8 mars 2018. Ce fut la plus grande manifestation après la chute de la dictature franquiste. En Inde, les femmes se mobilisent contre la pratique courante du viol collectif et pour de meilleures conditions de vie et de travail, comme lors de la grève dans les plantations de thé en août dernier.

Au Brésil, les femmes sont à l’avant-garde des luttes sociales contre le gouvernement du néo-président d’extrême-droite Jair Bolsonaro. En Islande, elles ont contraint le gouvernement à inscrire la parité salariale dans la constitution. En Pologne et en Irlande, elles ont obtenu des victoires importantes pour la garantie du droit à l’avortement.

D’autres luttes, moins médiatisées, se déroulent dans d’autres pays tels que l’Angleterre, l’Algérie, la Colombie, la Russie, etc. En dépit de leur diversité, la lutte contre la violence à l’égard des femmes constitue le point commun de ce nouveau mouvement féministe international.

Les violences contre les femmes et la question sociale

Ces formes d’oppression contre les femmes ne sont pas dissociées du type d’organisation sociale et économique mais elles s’inscrivent dans différents types de rapports sociaux. Les femmes subissent autant la violence physique de la part des hommes quel’exploitation économique par le capital lorsqu’elles sont des travailleuses. C’est pourquoi aujourd’hui les luttes des femmes ne se limitent pas à dénoncer la violence de genre, mais elles s’attaquent aussi à l’exploitation du travail qui concerne une large partie de la population. Celles-ci favorisent la mobilisation d’autres couches opprimées et rendent visibles les luttes du monde du travail. Les militant·e·s antiracistes et écologistes aux États-Unis ont rejoint les mobilisations des femmes pour riposter aux attaques du gouvernement Trump aux droits des migrant·e·s, aux minorités ethniques et à l’environnement. Sous le slogan « je ne suis pas au menu », les travailleuses deMac Donald se battent pour l’augmentation des salaires et contre le harcèlement sexuel.

En Espagne, les femmes grévistes ont pointé du doigt l’importance de leur rôle social et économique en affirmant « si nous nous arrêtons, le monde s’arrête !» La grève a été très suivie dans les écoles, les universités, le secteur des médias, l’hôtellerie, les transports publics et les hôpitaux et a reçu le soutien d’une large part de la population.

Dans un pays comme l’Islande, les femmes se battent depuis des années contre le harcèlement sexuel et pour une égalité salariale effective. Grâce à leur lutte, le législation qui oblige les entreprises d’au moins 25 salarié·e·s à prouver qu’elles appliquent l’égalité salariale. Mais cette application n’est pas immédiate. C’est pourquoi les femmes continuent à lutter. Le 24 octobre 2018, elles ont arrêté de travailler à 14h55. L’heure choisie symbolise le fait que le salaire d’une femme dans ce pays représente 74% du salaire d’un homme.

En Suisse, combiner la lutte contre la violence de genre et celle pour l’égalité salariale

En Suisse, le triste record de 27’165 consultations de femmes victimes de violences a été atteint en 2017. Ce chiffre est trois fois plus élevé qu’en 2000 ! Les violences physiques chez les femmes âgées de 15 à 24 ans ont triplé au cours de vingt dernières années : 640 en 2016 contre 200 en 1995 ! Les homicides enregistrés par la police entre 2009 et 2016 indiquent qu’en moyenne une femme meurt chaque semaine tuée par son partenaire. De plus, le viol concerne 5,6 % des femmes dans ce pays.

En dépit d’une loi fédérale qui garantit l’égalité sexes, les femmes en Suisse touchent 18% de moins de salaires par rapport aux hommes et continuent à occuper les postes les plus précaires et moins bien payés. De plus, elles continuent à assumer la grande partie du travail domestique. Prenons l’exemple des femmes islandaises et imaginons à quelles heures les femmes suisses devraient arrêter de travailler. Le salaire médian brut à temps plein est de 6830 CHF pour les hommes et de 6011 CHF pour les femmes. Ainsi, pour une journée effective de travail de 8 heures et 33 minutes, ces dernières devront cesser leur travail tous les jours une heure avant les hommes !

Cet écart salarial entre les sexes s’inscrit dans l’exploitation du travail de l’ensemble des salarié·e·s à qui on soustrait une grande partie de la richesse sociale qu’ils et elles produisent. Dans un contexte des luttes féministes internationales, la grève de femmes du 14 juin 2019 en Suisse peut être le point de départ pour construire un large mouvement pour lutter à la fois contre la violence faite aux femmes et l’exploitation des personnes qui vivent de leur travail. (CLB, 24 novembre 2018)