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Les révolutions arabes à la croisée des chemins. Leurs enjeux en Egypte et en Syrie?

Le Cercle La brèche vous invite à la conférence-débat  sur la situation en Egypte et Syrie avec Khalil Habash, intellectuel-militant de la région.

Mercredi 14 décembre 2011, Lausanne, Salle des Vignerons (Buffet de la gare), 20h15

La formule de «printemps arabe» a fait florès il y a quelques mois. Cela à juste titre, malgré toutes les limites de l’analogie avec les révolutions de 1848 en Europe. Le renversement de la dictature de Ben Ali en Tunisie, en janvier 2011, a été le déclencheur d’un bouleversement dans une vaste région – composée de sociétés, de pays et de régimes ayant, certes, leurs caractéristiques propres – où commence à s’affirmer une «conscience régionale».

En Egypte, le début de la révolution – qui lui a donné son nom – se situe le 25 janvier 2011. La démission contrainte du dictateur Hosni Moubarak, le 11 février, marquait le succès d’une première étape.

Les prodromes de ces processus sont apparus avec plus de clarté a posteriori. Les médias dominants (et une certaine gauche occidentale) présentaient comme «naturels» ou «propres à une culture musulmane» les régimes dictatoriaux. Il semblait que des «lois historiques» dictaient le fait que, durant plus de deux décennies, les expressions de la protestation populaire aient été canalisées ou dominées par des forces religieuses. Une affirmation qui effaçait l’échec des courants nationalistes et la marginalisation de la gauche, le plus souvent réprimée. De même, étaient passées sous silence les conséquences historiques de l’intervention des puissances impérialistes dans la région comme celles de la politique du régime sioniste.

Il en découla, par exemple, un manque d’attention portée, en Egypte ou en Tunisie, à des luttes ouvrières qui depuis la seconde moitié des années 2000 créaient les conditions d’une métamorphose de la scène sociale et politique. Les conséquences socio-économiques de la mondialisation capitaliste accentuèrent une nouvelle montée de la protestation sociale, de la lutte des classes. La détérioration brutale des conditions de vie de la vaste majorité de la population a éclairé, avec plus de crudité, les fastes des classes et cliques dominantes, corrompues et sans cesse prêtes à faire usage de la répression. Une jeunesse, constituant souvent la majorité de la population, n’était plus paralysée par la crainte, comme on le constate en Syrie, dans des conditions des plus extrêmes.

Actuellement, ce processus révolutionnaire – avec ses hauts et ses bas comme toutes les «transformations» de ce type – se trouve à un nouveau carrefour.

En Egypte, les éléments de continuité avec l’ancien régime ressortent avec clarté  par la place et le rôle du Conseil suprême des forces armées (CSFA). Il dispose d’une force militaire, politique et économique. Les sommets de l’armée (et les généraux à la retraite) contrôlent quelque 25% du PIB. Les Etats-Unis, qui soutenaient Moubarak, continuent, avec la même détermination, à appuyer le CSFA. Ce dernier peut compter, de plus, sur les réseaux du PND (Parti national démocratique) recyclés et actifs dans diverses régions restées «en marge» du processus.

Ce n’est donc point un hasard si le pouvoir de l’armée et des corps de police militarisés est l’enjeu de nouveaux affrontements sociaux et politiques depuis le 19-20 novembre 2011; et pas seulement sur la place Tahrir, au Caire.

Les élections (aux deux Chambres) commencées le 28 novembre 2011 vont se dérouler, en trois phases, jusqu’en mars 2012. Elles sont placées sous l’étroit contrôle du CSFA. Elles seront présentées comme une «preuve» de la «normalisation». Silence risque donc d’être fait dans les médias occidentaux, durant cette période, sur ceux qui mettent en cause la «légitimité» de ce type d’élections; sur ceux qui dénoncent la répression, la torture et le rôle des tribunaux militaires ainsi que sur les luttes sociales et l’essor des organisations indépendantes des salarié·e·s.

En Syrie, depuis plus de neuf mois, la révolte populaire contre le régime du clan Assad et de ses alliés s’est répandue dans la très grande majorité des villes. La férocité de la répression est sans limites: des milliers de morts (la sécheresse des chiffres camoufle, à sa façon, «la réalité réelle»);  des dizaines de milliers d’arrestations et de personnes soumises à la torture; des blessés graves arrachés des hôpitaux pour être emprisonnés dans des conditions effrayantes; des médecins arrêtés car donnant des soins; des quartiers attaqués aux canons… Tout cela au nom d’une slogan bien connu dans la région: «Le régime actuel, un peu réformé, ou le chaos!»

Voilà un ensemble d’actes qui, à eux seuls, révèlent la nature du régime du clan Assad. Paradoxalement, le cynisme de ses démentis et ses dénonciations de «l’intervention de gangs armés étrangers» ne font que confirmer ce qu’il est et ce qu’il fait.

La permanence du soulèvement populaire, face à un tel régime, offre la preuve non seulement d’un intense et massif courage, mas aussi d’une détermination partagée en vue d’abattre la dictature et de conquérir des droits démocratiques.

Néanmoins, la durée même de l’affrontement et la férocité de la répression suscitent des débats sur les voies adéquates à suivre pour le renversement de ce pouvoir dictatorial. Des puissances impérialistes – qui ont cultivé des liens avec le clan Assad (la France, par exemple) – cherchent à intriguer pour tirer bénéfices du soulèvement. Sa «militarisation» ouvrirait des possibilités à diverses interventions visant à «capturer» le soulèvement. Les divisions communautaires et confessionnelles ont été largement utilisées, historiquement, par le colonialisme européen, pour régner en divisant. Les intérêts des forces impérialistes, prenant appui sur des régimes rétrogrades (Etats du Golfe), commencent à tester des formes d’intervention; d’autant plus que leur stratégie s’inscrit dans un dessein plus large: face à l’Iran, par exemple. Le régime turc, pour qui la Syrie constitue un débouché important, joue aussi sa propre carte.

Les forces sociales et politiques syriennes qui luttent contre un régime dictatorial et, simultanément, rejettent toute intervention impérialiste – tout en affirmant le refus des affrontements communautaires au même titre que la fragmentation de la Syrie – doivent pouvoir compter sur la solidarité la plus large et continue.

C’est, entre autres, pour mieux comprendre les enjeux de cette situation – condition pour une solidarité active et raisonnée des forces de gauche – que cette conférence est organisée.

Conférence-débat organisée par le Mouvement pour le socialisme (MPS) et le site alencontre.org avec le soutien du Cercle La brèche et des Éditions Page deux.