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Italie. Derrière la crise politique, une société déchirée et la montée de l’extrême droite

Le résultat des récentes élections

Le résultat des élections du 4 mars 2018 en Italie exprime la profonde crise économique, sociale et politique qui affecte depuis plusieurs années l’une des principales économies européennes et membre fondateur de l’Union européenne (UE). L’Italie a changé six gouvernements depuis 2011[1] et le récent scrutin cristallise une impasse politique d’ampleur. La coalition de droite et d’extrême droite – formée par la Ligue de Matteo Salvini, Forza Italia de Silvio Berlusconi et Fratelli d’Italia de Gorgia Meloni (hérités du Mouvement social italien-MSI) – et le Mouvement 5 Étoiles (M5S), parti fondé en 2009 par le comédien Beppe Grillo, revendiquent la victoire sans qu’aucun parti ne dispose de la majorité absolue pour former un gouvernement[2]. En effet, la coalition de droite et d’extrême droite ne compte « que » 260 députés et le M5S 229, alors que la majorité absolue à la chambre basse est de 316 sièges. Au Sénat, où celle-ci est de 159 sièges, la coalition de droite et d’extrême droite dispose de 135 élus et le M5S de 112. L’analyse du vote effectué par l’institut Ipsos[3] parle d’un « nouveau bipolarisme » avec, d’une part, une coalition de droit et extrême droite avec la Ligue comme pivot et, de l’autre, le M5S. Au-delà de ces qualifications de politologues, l’analyse révèle d’autres éléments intéressants.

D’une part, il y a une érosion de l’électorat traditionnel du Parti Démocrate (PD) de l’ex-premier ministre Matteo Renzi. On estime que, par rapport aux élections de 2013, 22% des électeurs de centre-gauche se sont abstenus, 14% ont voté pour le M5S, 7% pour la liste Liberi et uguali (scission du PD) et 5% pour la coalition de droite et extrême droite. D’autre part, l’électorat de la Ligue-Forza Italia-Fratelli d’Italia et du M5S est très compact. Le 90% des électeurs confirment le vote pour la coalition de droite et extrême droite. La Ligue devient le principal parti de cette coalition grâce au transfert de voix provenant des électeurs de Forza Italia (41%). De plus, ce parti absorbe un certain nombre de voix des électeurs du M5S (6%) et 14% des voix parmi les premiers votants et les abstentionnistes. On atteste très peu de transfert de votes de cette base électorale vers d’autres partis qui concern principalement les électeurs du M5S (7%). De son côté, le M5S consolide les votes de 76% de son électorat et, en plus des votes du centre-gauche (19%), il absorbe les votes des petites listes (20%), d’une partie de la Ligue (6%), des premiers votants (26%) ainsi que des abstentionnistes (7%). 9% de son électorat s’est abstenu lors de ce scrutin.

En ce qui concerne la composition de l’électorat et la distribution du vote, plusieurs considérations peuvent être faites. Le M5S et la coalition de droite et extrême droite ont été votés par l’ensemble des couches de la population. Le M5S est le parti « interclassiste » par excellence : 31,2% des voix proviennent desdites couches supérieures (dirigeants et entrepreneurs), 31,8% des indépendants-commerçants et artisans, 36,1% des employés et enseignants, 37% des ouvriers, 37,2% de chômeurs, 32,3% des étudiant-e-s, 36,1% des femmes au foyer et 26,4% des retraités. De plus, 41,6% des salariés du secteur public, dont une grande partie d’enseignant-e-s, la base électorale traditionnelle du PD, ont voté pour le M5S (seulement 17% pour le PD). Le PD absorbe surtout les voix des retraités (27,6%) et des couches supérieures de la population (22,5%). La coalition de droite et extrême droite récolte une grande partie des voix chez les indépendants-commerçants et les artisans (46,9% dont 23,6% pour la Ligue), les ouvriers (42,6% dont 23,8% pour la Ligue), les chômeurs (41,8% dont 18,2% pour la Ligue) et les femmes au foyer (41,1% dont 19,8% pour la Ligue). D’un point de vue géographique, la coalition de droite et extrême droite renforce sa présence au Nord en consolidant, notamment grâce à la Ligue, le vote ouvrier dans les districts industriels et en absorbant 8% de l’ensemble des voix provenant du Centre-Sud. De sa part, le M5S regroupe 43,4% au Sud avec des points de 48,7% de voix dans la région de la Campanie[4].

Au-delà de ces quelques chiffres, le résultat de ces élections exprime la défaite historique de la « social-démocratie » italienne incarnée par le PD de Renzi. Celle-ci est directement liée à la mise en œuvre des politiques d’austérité à la suite de la crise économique de 2008. La montée en force du M5S ainsi que de la coalition de la droite et de l’extrême droite révèlent la force d’attrait des idées anti-immigrés, nationalistes et « antisystème» au sein de la population ainsi que l’appeal, dans un contexte de profonde crise sociale, de la proposition du M5S d’un revenu de base[5],[6].

Les déterminants sociaux de la crise politique italienne

Cette impasse politique s’inscrit dans une crise sociale profonde. Depuis le début de la crise économique de 2008, tous les différents gouvernements qui se sont succédés ont poursuivi une politique d’austérité visant à diminuer les dépenses publiques et le « coût du travail ». Le but affiché était de contrecarrer la hausse de la dette publique, explosée en raison des années de cadeaux fiscaux pour le capital et de la récession, et d’utiliser l’argent public pour soutenir les entreprises et les banques. Dans ce cadre, les mesures d’austérité – à juste titre qualifiées de boucherie sociale « larmes et sang » par leurs effets sur les salariés et la population en général – se sont attaquées aux conquêtes sociales du passé (retraites, Code du travail, école publique et santé). Elles ont été justifiées au cri de « c’est l’Europe qui nous le demande ! ».

Allons dans l’ordre. Le gouvernement Berlusconi (2008-2011) a mis en place un premier grand plan d’austérité d’environ 48 milliards pendant l’été 2010 qui prévoyait, entre autres, une réduction drastique des transferts de l’État vers les collectivités locales servant à financier une partie importante des services au public ainsi que l’anticipation à 2016 de l’accroissement progressif de l’âge de départ à la retraite des femmes à 65 ans. Ensuite, un plan de 30 milliards – dont 13 par le biais des coupes budgétaires linéaires – fut adopté par le gouvernement technique de Mario Monti (2011 – 2013). Parmi les mesures adoptées, on peut citer la hausse de la TVA, le gel des salaires des fonctionnaires, la privatisation des certains services octroyés par les collectivités locales (énergie, transports, eau, traitement des déchets), la vente des propriétés publiques, ainsi que la grande contre-réforme des retraites, la « Réforme Fornero » du nome de la ministre Elsa Fornero en charge du dossier. Celle-ci prévoyait la généralisation du système de retraite dite de primauté des cotisations, l’augmentation de l’âge de la retraite à 65 ans pour les femmes fonctionnaires et de 60 à 65 ans pour celles travaillant dans le privé. Cette politique d’austérité se poursuit sous le gouvernement Letta (avril 2013 –février 2014) : les investissements publics sont réduits et on coupe dans l’emploi public. Enfin, la spending review d’environ 42 milliards sur trois ans du gouvernement Renzi (22 février 2014 – décembre 2016) s’est concrétisée par une réduction des services publics (santé, éducation, transports, etc.) et de l’emploi public, une réduction du montant des retraites ainsi que la énième hausse de certaines taxes touchant surtout les salarié-e-s (TVA et IMU-taxe immobilière).

Sous le gouvernement Renzi, ces différents plans d’austérité ont été accompagnés par deux grandes contre-réformes. D’une part, la réforme du travail (Job Act) a détruit la réglementation du travail dans ce pays en éliminant de facto l’article 18 du code du travail qui protège les salariés contre les licenciements abusifs. Elle a bouleversé le système de « négociation sociale » en introduisant la primauté des accords « entreprise par entreprise » sur les accords nationaux et de branche et en diminuant l’emprise des syndicats minoritaires[7], souvent plus combatif, dans les entreprises. De même, elle a précarisé davantage l’emploi avec la généralisation des CDD et le renforcement du travail sur appel et du système de « bons de travail »[8] (vouchers). D’autre part, la destruction de l’école publique italienne, à travers le projet dit de la « Bonne école » (sic !), a précarisé davantage l’emploi des enseignant-e-s, octroyé plus de pouvoir aux directeurs des établissements scolaires au détriment des organes collégiaux et introduit l’obligation de travailler pour tous les étudiant-e-s des établissements secondaires à partir de la dernière période triennale : 400 heures annuelles dans les instituts techniques et professionnels et 200 heures dans les collèges. Loin d’être des stages « formateurs », ces heures représentent du travail gratuit pour des entreprises telles que Bosch, Coop, General Electric, IBM, la banque Intesa Sanpaolo, McDonald’s, Poste Italiane, Zara, etc.

Ces années d’austérité se sont traduites par une paupérisation d’une large couche de la population et par un approfondissement de la précarisation de l’emploi et de la casse du service public. Selon les données ISTAT, le taux de chômage est passé de 6,7% à 17,4% sur la période 2008-2017. Les disparités régionales sont profondes. Au Sud, le taux de chômage (19,4%) est presque trois fois plus élevé qu’au Nord (6,9%) et le double par rapport au centre (10,0%). Les jeunes sont les plus frappés. Sur la même période, le taux de chômage chez la population âgée de 15-24 ans est passé de 25 % à 34,7%, contre une moyenne de 18,6% dans les pays de l’UE. Le chômage des jeunes atteint 55,6% en Calabre, 54,7% en Campanie et 52,9 en Sicile. Au-delà des chiffres officiels, des études estiment qu’il y a environ 2 millions de personnes inactives qui échappent aux statistiques du chômage et qui cherchent activement un emploi. La prise en compte de ces personnes ferait doubler le taux officiel de chômage au niveau national[9]. Dans ce cadre, l’émigration reste parfois la seule option envisageable pour les jeunes. Sur la période 2011-15, l’émigration a en effet augmenté de 79% alors que l’immigration vers l’Italie a diminué de 27%. Le solde migratoire net (différence entre émigrations et immigrations) atteint 133’000 personnes en 2015, le plus bas depuis 2000. Ce chiffre ne compense pas le solde naturel (différence entre morts et naissances) qui est de 162’000[10].

En plus de pousser un nombre toujours plus important des personnes en dehors du marché du travail, les politiques d’austérité ont dégradé les conditions de vie et de travail des salariés et plongé dans la pauvreté une partie importante de la population. Les « bons travail» distribués ont fortement augmenté de 500’000 en 2008 à 133 millions en 2016 et concernent plus de 1,5 million de salariés, dont 40% ont moins de 40 ans[11]. Le travail précaire atteint aussi des proportions importantes. On dénombre 2,5 millions des salariés en CDD et 400’000 salariés employés par une agence intérimaire, ce qui représente le double des personnes employées en 2005 ![12] Le phénomène des woking poors, toute personne touchant moins de 60% du revenu médian, connaît une hausse de 28% entre 1990 et 2013. En 2015, 23,5% des ménages dont le chef de famille est un salarié sont à risque de pauvreté ou d’exclusion sociale ; dans les ménages qui comptent une seule source de revenu, ce pourcentage atteint 45,4% et 20% dans le cas où deux personnes travaillent[13].

Dans ce cadre, les inégalités ont explosé : 20% des personnes le plus riches détiennent plus de 66% de la richesse nationale nette alors que 60% des plus pauvres n’en détiennent que 14,8%. La quote-part de la richesse détenue par le 1% des plus riches est 240 fois plus élevée de l’ensemble de la richesse détenue par 20% des plus pauvres. Avec la crise économique, l’écart entre riches et pauvres augmente. Sur la période 2006-2016, la quote-part de revenu national disponible brut du 10% des plus pauvres a diminué de 28% alors que plus de 40% de l’augmentation de l’ensemble du revenu a été accaparée par le 20% des revenus plus élevés[14]. Cette concentration de la richesse sociale est le résultat direct de l’appauvrissement de la population causé par l’austérité et par l’augmentation du patrimoine d’une poignée des personnes favorisées par les politiques néolibérales. La quote-part des salaires dans le PIB total est passée de 66,1% en 1976 à 53% en 2016 et, alors que le chômage et la pauvreté n’ont cessé d’augmenter, les impôts sur les bénéfices des entreprises ont diminué de 33% à 24% entre 2003 et 2017[15]. À cet énorme transfert de richesse sociale des salaires au capital s’ajoutent la destruction du service public et la crise du logement. L’Italie compte en effet la proportion la plus basse des fonctionnaires par habitant, 2,2% contre 3,3% dans l’UE-19[16]. Du côté du logement, on dénombre plus de 4 millions de personnes sans abri et une forte concentration immobilière : 59% du patrimoine foncier est concentré dans les mains de 20% des ménages les plus aisées[17].

Dans ce contexte, les deux premières forces politiques issues des dernières élections, le M5S et la Ligue, ont exploité la crise sociale pour proposer un programme politique d’inspiration souverainiste et xénophobe en revendiquant le contrôle national sur la politique économique du pays avec une révision des traités européens (comme si cela peut supprimer les difficultés du capitalisme italien !). Une grande partie de la population qui souffre des effets des mesures d’austérité se sent « menacée » par les immigrés, considérés comme étant les responsables de l’absence du travail, de logements et de l’augmentation des violences. Les forces « populistes » ont donc su manipuler ce sentiment en opposant les « étrangers » aux « Italiens » et en promouvant une vraie et propre guerre entre pauvres. En plus de la politique économique, leurs positions en matière de « gestion de l’immigration » ne sont pas très différentes[18]. Le M5S et la coalition de droite et extrême droite sous direction léghiste veulent renforcer la « Forteresse Europe » qui cause la mort de milliers de migrant-e-s chaque année. Ils exigent plus de contrôles aux frontières, la mise au ban des ONG accusées de favoriser l’immigration clandestine, l’expulsion immédiate des sans-papiers et des migrants issus des pays inscrits sur une liste noire ainsi que la diminution de l’aide financière allouée aux réfugié.es…

Le lien organique entre la Ligue et les néofascistes

Les attaques antisociales contre des larges couches de la population et la diffusion d’un sentiment anti-immigrés dans la société italienne ont créé un climat social favorable aux forces d’extrême droite. C’est dans ce contexte politique que certains parlent d’un prétendu « retour du fascisme » en Italie, en raison du renforcement ces dernières années des groupes néo-fascistes dans un pays qui a connu le régime de Benito Mussolini (1922-1945). À titre d’exemple, les néo-fascistes autoproclamés de Casa Pound ont obtenu des scores électoraux importants dans différentes régions et sont entrés dans les conseils municipaux de plusieurs villes italiennes, dont Lucca (Toscane) et Ostia (Rome). Ce parti enregistre une hausse d’inscrits ces dernières années et le numéro des locaux ouverts dans toute l’Italie ne cesse d’augmenter. Aujourd’hui, leur nombre dépasse les cent unités ! Pendant la campagne électorale, les leaders du parti ont été invités sur les plateaux télé et des journalistes connus ont participé à leurs meetings électoraux. Cela contribue à rendre « présentable » ce parti alors que ses militants se rendent protagonistes d’agressions contre les immigrés, les militants de gauche et les syndicats… Ces cas de « passage à l’acte » ont fait l’aune de la presse juste avant les élections lors que début février Luca Triani, sympathisant du parti néo-fasciste Forza Nuova et ex-membre de la Ligue, a blessé six personnes d’origine nigérienne par des coups de feu dans la ville de Macerata (Marches, centre de l’Italie). Le tireur a voulu venger la mort d’une jeune Italienne dont le corps avait été retrouvé démembré quelques jours plus tôt et dont les principaux suspects sont d’origine africaine. Favorisé par le silence assourdissant des organisations de la gauche, Forza nuova a par la suite organisé un rassemblement dont le but était de ne pas «abandonner» le tireur et a pris en charge ses frais de justice. Les manifestations des forces de la gauche ont été plus tardives…

En dépit du faible score électoral de néo-fascistes[19], le rôle joué par ces forces n’est pas anodin. Celles-ci entretiennent en effet un lien organique avec la Ligue[20]. Ce parti est lui-même d’extrême droite et dispose désormais d’une hégémonie politique dans le bloc de droite en Italie. Au cours de ces dernières années, Salvini a construit un parti national et a construit un réseau bien établi avec les néo-fascistes dans le but de rassembler une couche de la jeunesse radicalisée grâce à un travail sur le terrain social et culturel (centres sociaux, conférences, maisons d’édition, initiatives culturelles, etc.). Pour rappel, déjà lors d’une grande manifestation contre l’immigration à Milan organisée par la Ligue en octobre 2014, Casa Pound a déclaré publiquement son soutien à Salvini et a pris part au défilé avec un bloc de 2’000 militants bien visibles. Or, le retour au fascisme n’est aujourd’hui pas possible en raison des conditions sociopolitiques de ce phénomène historique[21]. Néanmoins, dans le contexte de crise économique et sociale, la bourgeoisie opte pour un État fort et répressif dans le but d’éviter des mobilisations sociales contre les effets de la crise et la domination du Capital. La consolidation du bloc d’extrême droite[22] en Italie participe précisément à ce tournant répressif qui se caractérise par des politiques conservatrices, autoritaires et identitaires. En l’absence des politiques alternatives d’émancipation sociale basées sur la solidarité et le partage des richesses, ces politiques trouvent un terrain fertile au sein de la population précarisée.

Que faire face à la crise politique et à la montée de l’extrême droite ?

Dans ce contexte de montée des forces de l’extrême droite et d’affaiblissement structurel des organisations politiques de la gauche radicale, les besoins sociaux et les droits d’une large partie de la population sont menacés. Cela est d’autant plus vrai dans un pays où les effets de la crise économique s’approfondissent et où pèse le spectre d’une nouvelle crise bancaire à l’horizon. Les quelques mouvements sociaux émergés au cours des dernières années[23] – autour de la lutte des ouvriers des établissements FIAT de Mirafiori contre le projet du CEO Sergio Marchionne de dégradation des conditions de travail (2011) ou le mouvement contre la « Bonne école » de Matteo Renzi (2015) – ont montré la capacité d’organisation et la combativité des classes laborieuses et populaires en Italie. Néanmoins, ces différentes luttes n’ont pas réussi à freiner le démantèlement social dont souffre une grande partie de la population.

Aujourd’hui, le seul mouvement d’ampleur est celui des femmes organisées dans le mouvement Non una di Meno[24]. Celles-ci se battent contre les violences de genre et les effets de coupes budgétaires sur les services publics pour les femmes ainsi que pour un droit à l’avortement effectif. Il s’agit d’un mouvement national qui s’inscrit dans une dynamique internationale et qui voit nombreuses jeunes femmes participer pour la première fois à des manifestations et à s’organiser collectivement. Leur lutte a débouché sur un « Plan féministe » qui refuse les mesures d’austérité imposées par le gouvernement et propose de réinvestir dans les services au public, notamment les services destinés aux femmes (santé, éducation, soutiens aux victimes de violence, revenu de base, culture, etc.)[25].

Nous croyons qu’aujourd’hui plus que jamais soit nécessaire de comprendre le fonctionnement de la crise capitaliste et de montrer comment les « solutions à la crise» imposées par les principaux partis politiques et les gouvernements répondent aux seuls intérêts du capital, à savoir des grandes entreprises et des grands riches. Il est important de travailler pour construire une opposition sociale pour contraster les effets sociaux de la crise et pour s’attaquer aux mécanismes du capitalisme, responsable de l’explosion de la précarité et des inégalités sociales. En Italie comme ailleurs. C’est dans ce cadre que les intérêts et besoins niés d’une large partie de la population pourront être défendus et satisfaits démocratiquement. Dans ce but, il est important de suivre et soutenir chaque mouvement qui se bat pour un avenir meilleur et apprendre et débattre à partir des revendications qu’il avance. (Cercle la brèche Genève, 01.05.2018)

Notes

[1] Depuis la fin du gouvernement de Romano Prodi (17 mai 2006-8 mai 2008), plusieurs autres gouvernements de différents couleurs politiques (gauche, droite, « gouvernements techniques ») se sont succédés : gouvernement Berlusconi (8 mai 2008-16 novembre 2011) ; Monti (16 novembre 2011 – 28 avril 2013) ; Letta (28 avril 2013-22 février 2014) ; Renzi (22 février 2014 – 12 décembre 2016) ; Gentiloni (12 décembre 2016 – en fonction). Des « consultations » sont actuellement en cours dans le but de former le prochain gouvernement.

[2] Comparées à ceux de 2013, les résultats des récentes élections sont les suivantes. Le M5S est le premier parti avec 32,9% de voix (+ 1’925’679 voix par rapport à 2013). La coalition de droite et extrême droite obtient 37% voix dont 17,4% pour la Ligue (+ 5’661’867), 14% pour Forza Italia (- 2’768475), 4,3% pour Fratelli d’Italia (+ 747’666) et 1,3% pour Noi con l’Italia-UDC. Le PD obtient 18,8% voix (-2’557’572), Liberi et Uguali, issu d’une scission du PD, en obtient 3,4% alors que d’autres listes de centre-gauche obtiennent des scores très bas : Più Europa (2,5%), Insieme (0,6%), Civica Popolare (0,5%), SVP-PATT (0,4%). À signaler les score des néo-fascistes autoproclamés de Casa Pound et de la liste L’Italie aux Italiens, composée par Forza Nuova et Fiamma Tricolore qui ont obtenu respectivement 438’095 (1,33%) et 409’458 (1,34%) de votes à la Chambre et au Sénat alors que les parties de la gauche radicale (liste Pouvoir au Peuple, liste Pour une gauche révolutionnaire et Parti Communiste) en ont obtenu respectivement 508’116 (1,53%) et 459’488 (1,49%). Le taux d’abstention a atteint 29,6% (+ 1’180’151).

[3] Lucio Formigoni et Mattia Forni, Elezioni politiche 2018 : l’analisi del voto, Ipsos, 6 marzo 2018. La synthèse de l’étude est disponible sur ce lien : https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2018-03/elezioni_politiche_2018_-_analisi_post-voto_ipsos-twig_0.pdf

[4] http://www.ilsole24ore.com/art/notizie/2018-03-07/da-sassuolo-lecco-distretti-la-lega-bassi-salari-e-lavoro-leva-5-stelle-sud-084008.shtml?uuid=AEkPWFCE

[5] Un récent sondage effectué par l’institut Tecnè, basé sur un échantillon de 30’023 votants, estime que respectivement 35% et 31% des électeurs ont voté M5S en raison de l’absence de travail ou de bas revenu, ce pourcentage atteint respectivement 33% et 35% des électeurs de la coalition de droite et extrême droite et 21% et 17% des électeurs du PD. 31% des électeurs qui ressentent un problème de taxes excessives ont voté M5S, 44% la coalition de droite et 15% le PD. Le thème de la sécurité et de l’immigration a en revanche été signalé par 21% des électeurs du M5E, 58% de la coalition de centre droite (dont 41% de la Ligue) et 14% du PD. Voir le tableau récapitulatif du sondage sur ce lien : https://www.termometropolitico.it/media/2018/03/elezioni-politiche-tecne6.jpg

[6] La proposition du M5S d’un « Reddito di cittadinanza » (Revenu pour les citoyens) n’a rien à avoir avec le soi-disant « Revenu de base inconditionnel ». En effet, le projet de loi proposé est une forme de soutien économique aux chômeurs et aux salariés mal payés afin de permettre d’arriver à toucher 780 euro par mois, ce qui correspond au seuil de pauvreté estimée en Italie. Les bénéficiaires de cet aide doivent assurer des travaux d’intérêt général et accepter les travaux proposés par l’agence de l’emploi.

[7] Sur ce point, lire l’article du 10 juin 2013 du syndicaliste Giorgio Cremaschi sur le site alencontre.org : http://alencontre.org/europe/italie/italie-la-complicite-syndicale-et-la-contre-reforme-constitutionnelle.html

[8] Il s’agit d’un bon qu’on peut acheter chez un buraliste et qui affiche un montant fixe de 10 euros brut qui correspond au salaire horaire minimum versé au salarié. Une fois enlevée les charges, le travailleur touchera 7,5 euros de l’heure. Avec ce système, il n’y a pas de salaire différencié pour le travail de nuit. Les salariés sont appelés du jour au lendemain et peuvent être payés pour quelques heures et puis renvoyés. Cet outil fut introduit déjà sous le gouvernement Berlusconi mais son usage s’est répandu suite à la crise économique de 2008. D’abord limité au secteur de l’agriculture et de l’emploi saisonnier, ce système s’est étalé à tous les secteurs économiques. Le recours aux vouchers a été récemment interdit par décret par crainte de perdre un référendum lancé par la Confédération générale des travailleurs italiens (CGIL). Entre temps, ils ont été réintroduits selon le dispositif « PrestO. »

[9] http://www.repubblica.it/economia/2017/07/08/news/lavoro_studio_vittorio_potenziali-170276374/

[10] Ibid., p. 6.

[11] Marta Fana, Non è lavoro, è sfruttamento, Laterza, Roma, 2017, pp. 25-26.

[12] https://www.istat.it/it/files//2017/03/Nota-trimestrale-congiunta-IV-2016-1.pdf

[13] ISTAT, Condizioni di vita e di reddito, 2016.

[14] Sur ce point, lire le rapport sur les inégalités d’Oxfam-Italie : https://www.oxfamitalia.org/wp-content/uploads/2018/01/Inserto-Italia-del-rapporto-Ricompensare-il-Lavoro-Non-la-Ricchezza_22.01.2018.pdf

[15] Marta Fana, Non è lavoro, è sfruttamento, Laterza, Roma, 2017, pp. 91-93.

[16] Ibid., p. 67.

[17] Ibid., pp. 156-57.

[18] http://www.ilsole24ore.com/art/notizie/2018-03-05/di-maio-bivio-lega-o-pd-analogie-e-differenze-programmi-elettorali-165324.shtml?uuid=AE6CheBE

[19] Lors des élections, Casa Pound et la liste L’Italie aux Italiens, composée par Forza Nuova et Fiamma Tricolore, ont obtenu respectivement 438’095 (1,33%) et 409’458 (1,34%) de votes à la Chambre et au Sénat alors que les parties de la gauche radicale (liste Pouvoir au Peuple, liste Pour une gauche révolutionnaire et Parti Communiste) en ont obtenu respectivement 508’116 (1,53%) et 459’488 (1,49%).

[20]neà ce propos le livre de Valerio Renzi, La politica della ruspa, Alegre, 2015.

[21] Sur ce point, lire l’article d’Alain Bihr, «Le fascisme n’est pas le seul régime d’état d’exception auquel un capitalisme en crise puisse donner naissance », alencontre.org, 20 octobre 2015. Disponible sur ce lien : http://alencontre.org/societe/le-fascisme-nest-pas-le-seul-regime-detat-dexception-auquel-un-capitalisme-en-crise-puisse-donner-naissance.html

[22] Cette tendance est confirmée par les récentes élections dans les deux régions du Molise et Frioul-Vénétie julienne où la coalition de centre-droite, impulsée par la Ligue, a remporté des scores exceptionnelles.

[23] Pour des informations en langue française sur ces différentes luttes, vous pouvez lire les articles sur le site alencontre.org (onglet « Italie).

[25] Le Plan peut être téléchargé à partir de ce lien : https://nonunadimeno.files.wordpress.com/2017/11/abbiamo_un_piano.pdf