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Contre les violences faites aux femmes: une grève internationale et un engagement nécessaire dans la lutte!

Par Cercle La brèche

Les violences en Suisse : encore «une affaire privée»

Aujourd’hui en Suisse, la définition de viol reste l’une des plus restrictives d’Europe. La loi suisse fait encore une distinction entre le viol et les «contraintes sexuelles». À la suite de plusieurs échecs, la modification de cette disposition dans le Code pénal est à nouveau d’actualité depuis quelque mois. Seulement une mobilisation importante pourrait empêcher la énième «fin de non-recevoir» de la part du gouvernement fédéral.

Longtemps considérées comme une «affaire privée», les violences faites aux femmes sont en effet au centre du débat public depuis plusieurs mois. La situation n’a pourtant pas changé. En Suisse, quelques chiffres illustrent la nécessité d’un changement radical: le cas des violences domestiques correspond à 38% des violences recensées en 2013 par l’Office fédéral de la statistique. En 2016, ces dernières ont augmenté et dans 15% des cas une plainte avait déjà été déposée précédemment. Ces chiffres sont à revoir à la hausse, car la plupart des violences subies par les femmes ne sont pas dénoncées.

En général, les données sur les violences faites aux femmes et le harcèlement (domestiques ou au travail) ne sont que très partielles. Leur récolte est insuffisante, souvent éparpillée et difficile d’accès. La Suisse manque d’un véritable centre qui monitore et recense en détail les données relatives aux violences faites aux femmes!

La situation est encore plus compliquée en matière de violences économiques: exploitation sur le lieu de travail, inégalités salariales, dévalorisation des professions ou des filières d’études dites «féminines» sur la base de stéréotypes de genre, etc. En Suisse, le clivage entre professions «masculines» et «féminines» est particulièrement élevé. On dénombre seulement 10% des femmes dans les filières d’études techniques ou en ingénierie, contre 70% ou même 90% dans des filières en sciences humaines et sociales.

Les femmes subissent aussi des contraintes majeures dans l’organisation du travail. Bien que la Suisse compte l’un des taux d’emploi des femmes parmi les plus élevés d’Europe, elle se situe à la deuxième place en matière de temps partiel féminin: 60% des femmes actives travaillent à temps partiel. La «double journée» de travail s’impose ainsi aux femmes, contraintes à accomplir toute une série de tâches domestiques non rémunérées. Cela est aussi un synonyme de conditions de précarité importantes: des salaires moins élevés, une couverture sociale insuffisante (caisse maladie, retraites), etc. Sans parler des cas de licenciement abusifs liés à la maternité. Il va sans dire que l’exploitation se durcit pour les femmes migrantes, encore plus pour celles «sans-papiers».

Récemment, une grève du personnel hôtelier (principalement des femmes) dans des EMS à Genève illustrait parfaitement cette situation de précarité, ainsi que la meilleure façon pour y répondre. Le travail est donc un levier important de l’oppression des femmes. Leur exploitation sert de levier pour imposer des conditions de travail précaires aux salarié.es et réduire lesdits «coûts du travail» de l’ensemble de la main-d’oeuvre.

Un nouveau mouvement international des femmes

Des nombreuses mobilisations des femmes à l’échelle internationale ont marqué ces deux dernières années. Le mouvement Ni una menos dans plusieurs pays d’Amérique latine, ainsi que le mouvement Non una di meno en Italie, dénonce les violences faites aux femmes. En Pologne, d’importantes mobilisations des femmes ont réussi à bloquer la restriction du droit à l’avortement voulue par le gouvernement ultraconservateur du parti Droit et Justice et l’Église. Aux États-Unis, les violences faites aux femmes ont été dénoncées par la Women’s March et, plus récemment, par les mouvements #metoo et #wetooghether.

La convergence de ces luttes a débouché en 2017 sur une première journée de grève internationale des femmes. Aujourd’hui, une nouvelle journée de grève internationle est organisée dans plusieurs pays du monde. Si le thème principal de cette grève féministe du 8 mars concerne toujours les violences et le harcèlement des femmes, les attaques néolibérales aux conditions de vie et de travail sont aussi dans le viseur de ce mouvement. Face aux mesures d’austérité et l’augmentation de la précarité (réforme des retraites en Argentine, coupes budgétaires et réforme de l’éducation supérieure en Italie, dégradation de la santé des femmes en France, etc.), le mouvement des femmes a élargi ses revendications.

Il s’agit du seul mouvement présent sur la scène politique internationale qui s’attaque à la fois aux oppressions spécifiques de genre mais aussi à celles propres au monde du travail et au racisme (voir à ce sujet le texte de Non una di Meno que nous avons traduit et publié sur notre blog le 5 mars).

En Suisse, bien qu’un appel à une grève des femmes n’ait pas eu lieu, plusieurs manifestations sont prévues dans toutes les régions du pays. Il est dès lors important de se mobiliser en gardant à l’esprit la voie que ces mouvements des femmes, partout dans le monde, sont en train de tracer, d’apprendre de ces nouvelles formes de luttes et de leurs revendications, pour se battre ensemble contre toute forme d’oppression et de violence que nous subissons aujourd’hui! (Tract distribué aux manifestations du 8 mars 2018 à Genève)