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À la mémoire de notre camarade Clément Méric – Discours prononcé par le Cercle La brèche à Genève et à Fribourg le 6 juin 2013

Le Cercle La brèche a pris l’initiative d’organiser des rassemblements à la mémoire de Clément Méric le 11 juin, dans plusieurs universités de suisse allemande et française, avec les organisations étudiantes actives dans le resACTe. 

Le tract unitaire distribué dans les universités peut être téléchargé en cliquant ici. Les groupes/organisations suivantes ont adhéré à cette initiative: Cercle La brèche, kritische Poltik an der Uni Zürich (kriPo), Groupe Jeunes SolidaritéS.

ERRATUM: Le Réseau Anti-fasciste Genève (RAGE) n’a jamais souhaité apporter sa signature au tract unitaire, ce qui était pourtant indiqué initialement. 

Un rassemblement s’est tenu également à Lausanne le 8 juin sur initiative de l’Organisation socialiste libertaire (OSL).

Nous reportons ci-dessous le discours prononcé par les camarades du Cercle La brèche à Genève et à Fribourg.

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Rassemblement en hommage à Clément Méric. Source: 20minutes.fr

Chers ami·e·s, chers camarades et chers collègues,

Vous avez tous et toutes appris que Clément Méric, jeune étudiant de Science Po à Paris, âgé de 19 ans, a été tué le jeudi 5 juin par des activités de l’extrême droite. Un point américain s’est malheureusement révélé fatal lors d’une altercation. Clément ne survivra pas à ses blessures, le lendemain, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Toutes nos pensées vont à sa famille et à ses proches, à qui nous exprimons nos condoléances. C’est à sa mémoire que le Cercle La brèche a pris l’initiative d’organiser un rassemblement dans plusieurs villes suisses : à Genève comme à Fribourg et à Zurich.

Clément était un étudiant comme nous toutes et tous. Le proviseur de son lycée, dans la région de Brest, le décrit comme «un élève brillant, je dirais même un élève modèle. On ne décroche pas un bac S avec mention Bien, pour ensuite intégrer Sciences Po Paris par hasard…». Il était «courtois et respectueux des autres, pleinement engagé dans les instances du lycée, en tant que délégué ou représentant des élèves.» Qui, mieux que lui, un proviseur bourgeois, pourrait attester que Clément était un étudiant anarchiste et libertaire engagé, mais non violent et posé?

Ses proches, ses amis, en larmes et colère, s’en souviennent dans la douleur comme un jeune homme très aimable, qui était engagé, comme anarchiste et libertaire, dans l’action anti-fasciste, pour le droit des étrangers, pour l’égalité entre hommes et femmes. Nous ne l’avons pas connu de personne. C’est à grand regret que nous ne pouvons plus continuer à partager avec lui cette lutte commune.

La mort de Clément n’est pas fruit du hasard. Sept skinheads ont été interpellés par la police. L’un d’entre-eux risque vingt ans de prison pour homicide non volontaire.

Ses agresseurs sont des activistes de la droite la plus extrême – les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), le bras armé de la mouvance Troisième Voie. Une mouvance qui se veut anti-capitaliste, anti-communiste, nationaliste, solidariste… qui prône une stratégie de combat contre le mondialisme par le patriotisme et par un Etat totalitaire… par une « fraternité » et une « solidarité » non pas entre classes sociales et groupes sociaux opprimés et exploités – je pense aux femmes, aux travailleurs-euses, aux étudiant-e-s, aux sans papiers, etc. –, mais entre individus qui feraient partie d’une même communauté réunie autour d’une nation, celle-ci étant conçue comme une grande famille.

Une nation dont on sait que les juifs, les Roms, les homosexuels et les communistes sont bannis, réprimés, tués. Nous savons toutes et tous où peut amener cette idéologie : à l’extermination de populations entières, à la barbarie !

Le contexte de crise économique et sociale très profonde, en Europe, est très favorable aux groupes d’extrême droite. Dans des pays comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, un tiers de la population est au chômage, voir plus si l’on pense à la jeunesse ; une part croissante de la population ne peut plus accéder aux soins de base dans les hôpitaux ; ou encore payer les factures d’électricité ; et doit se priver régulièrement de nourriture.

C’est ce que montre la popularité d’Aube Dorée en Grèce (résultat électoral de 6,5% et popularité dans les sondages de 12%), un groupe qui se réclame ouvertement du IIIe Reich et d’Adolf Hitler. Le meurtre de Clément Méric s’inscrit bien dans ce contexte de radicalisation de l’extrême droite.

C’est ce que montre aussi la tentative de Genève-Non-Conforme d’organiser une manifestation contre l’insécurité aux Pâquis, le 25 juin, en prenant pour cible les immigrés, ou encore le défilé du PNOS – le Parti des suisses nationalistes – le 1er mai 2008 à Fribourg.  Ce parti avait défilé avec le slogan : « Les travailleurs ne sont pas des marchandises » – occultant le fait qu’en réalité, sous le capitalisme, la force de travail est une marchandise. Une marchandise spéciale que s’approprie le capital productif et financier, qu’il met au travail, quels que soient le passeport et la couleur de cette force de travail, pour en extraire une richesse qui est supérieure à son prix d’achat, le salaire. C’est-à-dire, pour extraire, au travers de l’exploitation, un maximum de plus-value.

Ce parti, le PNOS, défend donc une position nationale-socialiste occultant l’existence des classes sociales. Ses activités ne doivent pas être sous-estimées. Il est présent en Suisse alémanique dans les cantons de Berne, Argovie, Soleure et des villes comme Langenthal, mais aussi en suisse romande, notamment à Fribourg.

Il est donc indispensable d’engager ensemble une lutte très dure, et constante, non seulement contre toute forme d’intolérance, mais contre l’extrême droite, en partant déjà de ce rassemblement, pour ne pas lui laisser la rue, l’université. Cette lutte implique de ne pas laisser à ces groupes la reconstruction de notre histoire par la négation du judéocide ou par la création de mythes donnant une consistance artificielle à l’idée que nos liens d’appartenance remontent, déjà depuis l’antiquité, à une nation.

Cette lutte implique toutefois de se battre aussi, toujours à l’avenir, contre toute forme de précarisation des études, contre toute démantèlement ultérieur du droit d’asile, contre toute forme de stigmatisation envers le Roms, contre toute forme de dumping salarial et social, qui prend comme levier les couches les plus exploitées du salariat, celle des immigrés venus pour chercher un travail.

No Pasaran !

Cercle La brèche

alencontre.org  · cerclelabreche.wordpress.com