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Arlind et Yasin: deux cas emblématiques de la politique d’exclusion suisse!

 

Manifestation de solidarité avec Arlind Lokaj, 10 décembre 2013
Manifestation de solidarité avec Arlind Lokaj, 10 décembre 2013

Le 10 décembre 2013 des centaines des personnes, parmi lesquelles beaucoup des jeunes, sont descendues dans les rues de Bellinzone pour demander le retrait de l’ordre d’expulsion du jeune kosovare Arlind Lokaj. Le jeune étudiant risque l’expulsion à cause d’un retard dans la transmission de la demande pour le regroupement familial. Cette manifestation a été convoquée par les amis d’Arlind. Quelques jours après la protestation, une pétition avec 1600 signatures demandant un permis humanitaire pour ce jeune a également été déposée auprès de la Chancellerie cantonale. La manifestation a attiré l’attention de tous les médias cantonaux. Face à cette situation le gouvernement tessinois a suspendu la décision d’expulsion. Deux mois après, c’est une autre jeune qui risque le rapatriement forcé. Il s’agit d’Yasin Rahmani, jeune demandeur d’asile provenant du Kurdistan iranien. Le jeune avait déposé une demande d’asile il y a quelques temps. Entre temps, il a suivi un apprentissage au Tessin. Récemment, les autorités suisses ont refusé sa demande d’asile car elle n’est pas conforme à l’application du statut de réfugié selon les nouvelles normes du « droit » d’asile. Même dans ce cas, la réaction de la jeunesse ne s’est pas fait attendre. En effet, un groupe de jeunes s’est mobilisé pour récolter des signatures demandant le retrait de la décision d’expulsion. Les jeunes ont aussi organisé une récolte de signatures et une manifestation rassemblant une centaine de personnes a eu lieu le samedi 15 février.

En dépit du fait que dans les deux mobilisations l’argument principal des gens mobilisés portait avant tout sur le niveau d’intégration et sur la « bonne conduite » des jeunes menacés d’expulsion et pas sur les racines réelle du problème (la politique d’asile et d’immigration suisse qui piétine constamment les droits humains les plus fondamentaux), il y a un fait qui mérite notre attention : la reprise de la mobilisation de la jeunesse dans ce canton dont on avait perdu l’habitude. Cela est sans doute un point positif en dépit des revendications partielles et particulières avancées car il représente un potentiel de contre-tendance vers une politique institutionnelle tourné de plus en plus à droite (selon le rythme des propositions politiques avancés par la Lega dei ticinesi) qui prône la division entre suisses et étrangers – qu’ils soient immigrés ou frontaliers – pour péjorer les conditions de vie de la majeure partie de la population (salarié-e-s, jeunes, retraité, immigrés, etc.). Cela s’inscrit dans un essor d’indignation plus globale qui est en train de se manifester en Suisse suite à la votation sur l’énième initiative xénophobe de l’UDC pour stopper la soi-disant immigration de masse. Les récentes manifestations spontanées organisées dans différents cantons comme Zurich, Genève et Berne et les différents groupes ou plates-formes onlines qui sont surgis (voir à ce propos le site www.theotherhalf.ch) en constituent un exemple. Ce sera une erreur de ne pas participer à cette indignation spontanée de la jeunesse, certes tardive et non organisée, en discutant des problèmes de fond posés par le durcissement des lois sur les étrangers qui vont de paire avec une péjoration générale des conditions de vie d’une grande partie de la population suisse. Les jeunes du MPS ont participé aux différentes mobilisations. À ce propos, nous reproduisons ci-dessous la traduction d’un tract distribué lors de la dernière manifestation du 15 février. (Rédaction CLB)

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Deux mois seulement après la manifestation de solidarité avec Arlind Lokaj, menacé d’expulsion, on se trouve à nouveau confrontés à un autre cas presque semblable. Il s’agit de Yasin Rahmany, originaire de la partie kurde de l’Iran.

À la base de la remise en cause du séjour en Suisse de Arlind il y a un retard pour présenter une demande de regroupement familial avec sa mère, laquelle a émigré du Kosovo en direction de la Suisse il y a plusieurs années. Dans le cas de Yasin, il s’agit d’un simple refus du statut de réfugié.

Même si ces deux cas sont très différents, ils trouvent un point commun dans les lois en matière d’immigration qui deviennent toujours plus restrictives. De plus, ces lois sont appliquées par les autorités de façon toujours plus stricte. Mais cette application est en claire contradiction avec la solidarité qui s’est créée autour des deux jeunes qui en sont victimes.

De plus, le deux cas témoignent d’un climat politico-institutionnel extrêmement hostile envers les étrangers. Ceci est alimenté constamment par les diverses initiatives de matrice xénophobe, telle celle de l’UDC « stopper l’immigration massive » accepté par le peuple (ou mieux, par une partie du peuple) le 9 février.

Si pour Arlind nous nous sommes mobilisés afin de défendre son choix de vivre avec sa mère en Suisse, plutôt qu’avec son père qui est resté au Kosovo, pour Yasin nous nous mobilisons en défense de son droit à vivre tout-court !

Simonetta Sommaruga
La conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga, cheffe du Département fédéral de justice et de police (DFJP)

Ce garçon a remis une demande d’asile aux autorités suisses en affirmant que sa vie était en danger dans son pays d’origine. Yasin fait malheureusement partie de la majorité de requérants d’asile dont la demande est refusée par l’Office fédéral de la migration. Cet office fait partie – c’est utile de le rappeler – du Département fédéral de justice et de police, dirigé par la ministre « socialiste » Simonetta Sommaruga. On comprend donc bien comment la Suisse fait face à la question de la migration – en piétinant tous les droits fondamentaux de l’homme – et comment tous les partis politiques sont impliqués, indépendamment de leur couleur politique.

Selon le coordinateur des jeunes de l’Union démocratique du centre (UDC), Alain Büher, la vie de Yasin n’est pas en danger en Iran. Pour cette raison les autorités suisses lui ont refusé le statu de réfugier et exigent son retour en Iran. Bien évidement Monsieur Bühler possède des connaissances plus précises par rapport aux nôtres. Il est sûrement en contact avec les autorités suisses ou – encore plus ponctuellement – avec les autorités du Kurdistan irakien. Sur cette base il estime qu’il s’agit  d’appliquer une interprétation correcte de la Loi sur l’asile (LAsi).

Mais peut-être aussi qu’en appliquant les directives de son parti il met simplement en doute la sincérité de ce jeune qui a fui de son pays et a traversé la Méditerranée. Selon Monsieur Bühler, qui a grandi dans le luxe de la démocratie helvétique, il est très difficile d’imaginer la peur d’être tué, mis sous pression ou torturé. Il doute donc de l’existence même de ces horreurs.

Selon le jeune UDC, Yasi fait partie du grand nombre de soi-disant “réfugiés économiques”, qui selon les lois actuelles n’ont pas droit au statut de refugié. En effet, si Yasin – et avec lui des centaines de personnes – était simplement en train de fuir l’impossibilité d’imaginer un futur qui ne soit pas fait de misère et de sacrifice, alors il serait un égoïste qui vient profiter de notre beau et efficient pays. Dans ce cas Yasin devrait rester dans son pays et affronter son destin.

Cela dit, même si les raisons de la demande d’asile de Yasin étaient de caractère économique, nous aurions de toute façon défendu son droit de rester en Suisse. Parce-que nous sommes d’avis que la faim et la misère auxquelles sont condamnées plusieurs personnes dans différents pays sont des raisons suffisantes pour justifier leur accueil dans notre pays, exactement dans la même mesure que en raison des injustices politiques. Ces pratiques d’accueil doivent être à l’ordre du jour dans les pays occidentaux qui – comme la Suisse –ont des responsabilités précises concernant la production de richesse et sa redistribution dans le monde.

Yasin - Manif
Manifestations de solidarité avec Yasim le 15 février 2014.

Nous sommes convaincus de la nécessité de refuser l’actuelle Loi sur les étrangers (LEtr) et l’actuelle Loi sur l’asile (LAsi). Ces deux lois, qui devraient être des lois d’accueil – comme le dit la tradition humanitaire suisse, plusieurs fois mise au premier plan par nos autorités – sont en réalité deux lois d’exclusion. Elles créent des citoyens de catégorie A et des autres de catégorie B, C, etc. chacune avec des droits différents. De cette façon on arrive, en fin de compte, à la catégorie de personnes auxquelles sont niés tous droits, compris le droit à la vie. Pour toutes ces raisons ces lois doivent être abrogées et d’autres lois, d’inclusion et de solidarité, doive les remplacer.

Pour ces raisons nous soutenons une mobilisation la plus large possible, afin de mettre la plus grande pression sur les autorités. Il faut défendre sans conditions le droit de Arlind et Yasin – et avec eux de tous ceux dont on ne connaît pas les noms – à rester en Suisse.  Seule une mobilisation directe peut imposer aux autorités un changement de direction – comme ça a été le cas pour le report de la décision d’expulsion de Arlind.

(La version en italien de ce texte a été publié  sur le site des Jeunes du Mouvement pour le socialisme du Canton su Tessin: www.rivoluzione.ch, traduction Cercle La brèche)