Interview avec Ylenia Dalla Palma et Guillaume Quatravaux, étudiant-e-s et membres du collectif de la grève du climat active et actif au gymnase de la Cité de Lausanne. Propos recueillis par Aris Martinelli (CLB-Genève)
Samedi 2 février 2019 des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue dans de nombreuses villes de Suisse pour revendiquer des mesures concrètes dans le but de répondre à la crise climatique. Cette journée de mobilisation faisait suite à la grève du climat du 18 janvier 2019 lancée par le collectif national « Grève du climat/Klimastreik ». Démarré en Suisse alémanique, ce mouvement pour la justice climatique s’est propagé dans d’autres villes, notamment en Suisse romande et au Tessin. Une nouvelle grève nationale est prévue le vendredi 15 mars 2019 dans le cadre d’une grève mondiale pour le climat.
Ces mobilisations nationales s’inscrivent dans plusieurs initiatives à l’échelle mondiale, à commencer par les journées de grève climatique lancées par la jeune collégienne Suédoise, Greta Thunberg, depuis le 20 août 2018 se traduisant par une présence régulière devant le parlement de Suède pour réclamer des mesures urgentes en faveur du climat. Mais aussi par les journées de grève collectives, les jeudis ou vendredi, entamées depuis septembre 2018 par les élèves et étudiant-e-s en Australie.
Ces mobilisations doivent nous interroger sur le potentiel d’une génération en mouvement. Comme ce fut le cas en 2003, avec les mobilisations massives de la jeunesse contre la guerre en Irak, en Suisse comme ailleurs, la jeunesse est sensible à une « question de société ». Cette fois-ci, la question de la crise écologique remet en cause les fondements même de notre existence. Les moyens d’actions utilisés, notamment l’outil de la « grève » qui implique le refus de se rendre aux cours, sont un indice de politisation du mouvement.
Les positions sur l’écologie sont multiples, ce qui exprime l’hétérogénéité du mouvement. D’une part, les appels à la responsabilité individuelle et aux changements des comportements (alimentation, moyens de transport et consommation de masse) sont présents. De l’autre, la compréhension du fait que la résolution de la crise climatique passe par un changement de système se répand au sein du mouvement. Les mobilisations en cours, les débats et les actions futures permettront peut-être de saisir l’indissociabilité de la crise écologique et sociale qui secoue nos sociétés depuis des années. C’est dans la mobilisation que les jeunes et les autres générations qui les ont rejoints pourront développer leurs réflexions et revendications à ce sujet.
Pour l’instant, une chose est claire. Il existe un décalage flagrant entre l’immobilité des autorités et les exigences des personnes mobilisées. En même temps qu’un mouvement pour la justice climatique se construit à l’échelle nationale, la Commission environnementale du Conseil des États entre en matière sur un projet de loi visant à diminuer de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport à 1990, dans le but de se conformer à l’Accord de Paris sur le climat. Ce projet fait suite au rejet de la révision de la loi sur le CO2 au Conseil national en décembre 2018. C’est le sommet de la « radicalité » des autorités suisses en matière d’environnement… pour le grand plaisir des grandes sociétés et holdings actives dans ce pays. Et il est jugé largement insuffisant par les manifestant.e.s. Dans le but de comprendre ce mouvement, nous sommes allés à la rencontre de deux élèves du gymnase la Cité de Lausanne qui sont parmi les organisateurs et organisatrices de la grève dans le Canton de Vaud. Leur contribution est importante et représente une voix directe de la jeunesse mobilisée qu’il faut écouter et soutenir (A.M. / CLB-Genève).
Interview avec Ylenia Dalla Palma et Guillaume Quatravaux, étudiant-e-s et membres du collectif de la grève du climat active et actif au gymnase de la Cité de Lausanne. Propos recueillis par Aris Martinelli (CLB-Genève)
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Pouvons-nous dire, en d’autres termes, que vous vous méfiez de la dite « politique politicienne » ?
Quelles sont les raisons de votre mobilisation ?
Ylenia (Y) : L’écologie est une cause qui me tient à cœur. L’humanité va peut-être disparaître ou bien elle serait contrainte à vivre dans des conditions affreuses. Je pense donc aux générations futures. Je ne me vois pas les regarder droit dans les yeux et leur dire : « Je savais qu’on aurait pu faire des choses, mais que, pour finir, nous n’avons rien fait !»
Guillaume (G) : La terre, c’est notre maison. Si on la détruit, on ne pourrait tout simplement plus vivre. Il faut donc la protéger.
Comment se fait-il qu’un collectif pour la grève du climat s’est forme dans divers cantons de Suisse et dans votre gymnase ?
Y : Le contexte international a joué un rôle. La Suédoise Greta Thunberg a été la première à avoir entamé une grève individuelle pour le climat. Elle est devenue un symbole, l’étudiante la plus connue qui participe à la grève pour le climat. Dans les Pays-Bas et en Australie, les étudiant-e-s ont commencé à faire des grèves collectives. D’autres gens dans d’autres pays ont rejoint le mouvement grâce aux réseaux sociaux. Les grèves du climat se sont répandues dans plusieurs endroits du monde.
G : Les étudiant-e-s de suisse alémanique se sont mobilisé-e-s avant nous en s’inspirant clairement du mouvement de grève international.
Comment le mouvement est-il organisé ?
G : Le mouvement est organisé à l’échelle nationale, cantonale et au niveau des écoles. Sur le plan national, on discute des revendications, des jours de mobilisation et d’une partie de la communication. On laisse une grande liberté aux collectifs dans les cantons pour s’organiser tout en respectant les quelques décisions prises à l’échelle nationale. Lors de la dernière séance de préparation pour la grève du 18 janvier 2019, une trentaine de représentants des divers gymnases du canton de Vaud y ont participé. On se rencontre chaque deux semaines au niveau du canton et on tient régulièrement des PV des séances. On a des groupes de travail sur des sujets tels que les contacts avec les médias, la logistique des mobilisations, le financement, etc. Puis, tout ça se propage au niveau des gymnases où on attire des gens motivés et on informe les élèves. En même temps, on écoute et on fait remonter les idées.
Y : Dans notre gymnase on a commencé à diffuser les informations via les groupes WhatsApp pendant les vacances de Noël. Chacun a fait le lien avec ses proches pour les intégrer dans le groupe. Maintenant, on est une soixantaine de personnes dans le groupe de mobilisation au niveau du canton et plus de quatre-cents dans le groupe du gymnase de la Cité. C’est donc grâce aux réseaux sociaux et par le bouche-à-oreille que le mouvement s’est propagé. Concrètement, on est neuf personnes à organiser les choses dans notre lycée. Il y a aussi des mobilisations dans les hautes écoles et dans des écoles secondaires, mais les gymnases restent toujours le moteur de la mobilisation. On ne dispose pas de chiffres précis, mais une chose est sûre : une bonne partie des écoles vaudoises est impliquée dans le mouvement et il y a des discussions dans tous les gymnases.
Quelles ont été les principales difficultés dans l’organisation de la grève du 18 janvier et de la manifestation du 2 février 2019 ?
Y : Pour la grève, on avait un peu la pression des élèves de Suisse alémanique, car elles et ils avaient une structure déjà bien organisée, alors qu’en Suisse romande nous étions en train de la construire. La chose compliquée, au début, c’était justement d’organiser la communication et les transports pour favoriser la participation. Faire venir des gens de Nyon ou d’Yverdon à Lausanne ce n’est pas simple. On avait aussi besoin de gens qui s’occupaient de la rédaction, de l’impression et de la diffusion des flyers. Ici, on a fait des tours dans chaque classe pour distribuer le matériel et parler de la grève. Pour la manifestation du 2 février, on a fait de grandes affiches qui ont été collées dans la ville. Nous avons aussi distribué des flyers dans des lieux publics comme la gare de Lausanne. Dans notre gymnase, le plus compliqué a été de faire venir les gens aux séances d’information puisque tout le monde ne lisait pas les messages d’annonce, ou ils et elles n’avaient pas envie de venir. Du coup, on était toujours une quinzaine.
Comment expliquez-vous le fait que seulement une quinzaine de personnes participent aux préparatifs de la mobilisation et qu’en même temps 10’000 des personnes descendent dans la rue ?
Y : Je pense que les gens sont tout le temps informés grâce aux réseaux sociaux. On y trouve toutes les informations. Quand quelqu’un vient aux séances, c’est pour poser des questions précises ou pour s’engager directement dans l’organisation.
G : Les gens savent aussi qu’on travaille sur les questions organisationnelles. Ils se disent donc qu’ils n’ont pas forcément besoin de venir aux séances d’information puisqu’ils savent qu’on fait bien les choses et que ça sera bien organisé. Ils nous font confiance.
Comment expliquez-vous que les gens de ce canton se mobilisent si massivement sur ces thématiques plutôt que sur d’autres ?
G : Je pense qu’il y a une prise de conscience chez les jeunes de la gravité de la situation. C’est la raison pour laquelle ce mouvement est si dynamique. Ce sont les jeunes qui donnent de l’énergie à ce mouvement.
Y : La pratique de la grève permet de se rendre compte que la terre reste notre seule maison. En tant que jeunes générations, on n’a pas forcément envie de grandir dans la pollution et de savoir qu’il va y avoir des répercussions énormes pour la planète. J’ai l’impression que c’est vraiment une question de survie.
Avez-vous reçu des soutiens ou des sanctions au niveau des établissements scolaires ?
Y : Il y a des professeurs qui nous soutiennent et qui posent des questions sur la mobilisation, tandis que d’autres cherchent de nous dissuader de cette cause. Je sais aussi que dans certains gymnases il y a eu des cas de sanctions, notamment dans celui de Burrier où une fille a reçu la note de 1 parce qu’elle était absente pour cause de grève. Dans notre gymnase, le directeur nous a informé qu’on aurait pu être sanctionnés, mais pour finir la grève a été tolérée. Comme plus de la moitié du gymnase a fait grève, il nous a dit que les absences sont comptées, mais pas sanctionnées.
La décision de passer d’une journée de grève à une manifestation le samedi, ce n’était pas pourtant dû à un problème de sanctions…
Y : Non. On a décidé de faire partout une journée de grève le 18 janvier et une manifestation le samedi 2 février pour favoriser une participation large dans les écoles et au-delà. Des gens nous accusaient de faire la grève seulement pour pouvoir louper les cours. Avec la manifestation de samedi, on a montré qu’on est vraiment investi et qu’on ne se mobilise pas pour avoir congé. Nous avons manifesté pour envoyer un message fort au gouvernement.
Quel est l’impact de ces mobilisations ?
G : J’ai remarqué que la grève a suscité beaucoup de débats dans les écoles, notamment en classe. Nous avons conquis la légitimité pour débattre des questions écologiques. Mais on discutait aussi dans les bus ! Je pense que la grève a conduit les gens à se poser des questions sur ce sujet. C’était précisément notre but : que les gens s’interrogent sur le devenir la planète et ne restent pas inactifs.
Quel est le contenu de ces débats ?
G : Tout d’abord on se pose la question si la grève est vraiment nécessaire comme outil de lutte et qu’est-ce qu’il faut faire pour diminuer l’impact du réchauffement climatique. Y : Des élèves de ma classe m’ont dit qu’il ne se voyaient pas faire la grève alors qu’ils prennent souvent l’avion. D’autres font le lien entre le fait d’être écologiste, végétarien ou végane. On a aussi des débats autour de ces questions.
Parlons de la question de fond que pose les mobilisations. Comment résoudre le problème du réchauffement climatique ? Comment peut-on agir sur les facteurs qui créent de la pollution ? Devons-nous changer les comportements individuels ou revendiquer une responsabilité collective ?
G : La responsabilité individuelle est importante, mais en Suisse on a déjà fait beaucoup sur ce plan. Il suffit de penser au recyclage, à la prise de conscience des jeunes et aux initiatives écologiques dans les écoles. Cela ne suffit plus ! Ce n’est pas seulement au niveau individuel qu’on peut changer les choses. C’est aussi la responsabilité des grandes entreprises. Je pense qu’aujourd’hui l’économie est placée avant l’environnement. Il faudrait renverser cet ordre et mettre l’environnement au cœur du fonctionnement de l’économie. On ne peut plus dire que ça va toucher au porte-monnaie et ne rien faire de plus. On doit se rendre compte du rôle de l’économie pour la planète ; elle doit être organisée pour répondre aux besoins de l’espèce humaine et pas seulement pour faire du profit.
Y : Il y a déjà plein de personnes et de familles qui font des efforts individuels. Je le vois dans mon entourage. Les petits pas ne suffisent plus. Certes, il faut en faire, des petits et des grands pas, mais si on veut sauver notre existence, c’est tout le monde et pas seulement une partie de la population qui doit se mobiliser.
Est-ce que la majorité des gens qui participent au mouvement partagent votre point de vue ?
G : J’ai l’impression qu’avec la grève et avec autant du monde dans la rue les gens sont conscients qu’il faut changer et la production et la consommation. Ils discutent entre eux puisqu’on a réussi à montrer qu’on peut avoir une emprise sur cette planète et qu’on peut vraiment changer les choses pour le meilleur comme pour le pire.
Y : Un autre aspect positif c’est que les gens prennent conscience qu’ils ne sont pas seuls à lutter pour cette cause. Moi-même, je ne pensais pas qu’il y avait 10’000 personnes à Lausanne qui s’intéressait à l’écologie !
Le mouvement met en avant trois principales revendications pour la Suisse : des émissions de gaz à effet de serre nulles d’ici 2030 ; déclaration de l’état d’urgence climatique par les autorités avec l’adoption de mesures drastiques et un « changement de système ». Quels débats avez-vous autour de ces points ?
Y : Les deux premières revendications sont posées. On n’en a plus débattu. C’est surtout la troisième, celle qui porte sur le changement de système, qui fait débat. Il s’agit d’une revendication large qui peut être comprise dans différents sens. Elle a été mise en avant pour affirmer notre volonté d’aller plus loin et d’obtenir un changement radical. Il y a eu un grand débat sur ce sujet dans les gymnases. Lors de la prochaine coordination nationale, on va mettre ce point à l’ordre du jour dans le but de préciser cette revendication.
Qu’est-ce que signifie pour vous « changer de système » ?
G : Cela signifie beaucoup de choses comme changer la production, la consommation, mais aussi changer la manière dont le gouvernement gère tout ça. Il y a des gens qui pensent qu’il suffit de changer le gouvernement pour résoudre le problème. En raison de cette revendication, il y a des politiciens qui nous reprochent d’appartenir à des partis de gauche, voire même de souhaiter un coup d’État. Il faut qu’on précise cette revendication pour clarifier le débat, mais la revendication de « changement de système » reste à nos yeux légitime. Il fallait quand même la poser sur la table pour montrer qu’on ne veut plus continuer ainsi vers une destruction silencieuse de notre planète. Il faut un changement de système !
Il y a eu des initiatives de la part des politiciens et des autorités politiques du canton comme la déclaration de soutien à la grève, par le parlement vaudois, ou encore la rencontre prévue entre une délégation d’élèves et le Conseil d’État [1]. Que pensez-vous de ces initiatives ?
G : C’est une bonne chose. Ça prouve qu’on a réussi à faire bouger les choses. Il faut faire néanmoins attention puisqu’il s’agit toujours de politiciens. À ce propos, on a des doutes sur les finalités de certaines personnes. Quand nous sommes invités dans la presse ou par le gouvernement, on se pose toujours la même question : c’est pour promouvoir l’écologie ou pour se faire de la publicité – pour soi-même et pour le parti ? Nous ne voyons pas d’inconvenants à ce que le mouvement soit soutenu par les partis, mais nous ne voulons pas que celui-ci ne soutienne un quelconque parti politique.
Pouvons-nous dire, en d’autres termes, que vous vous méfiez de la dite « politique politicienne » ?
Y : Il y a des gens qui n’ont pas de scrupules à faire de la récupération politique. Ils pensent que les jeunes sont facilement influençables. Il y a des partis écologistes qui ont essayé de nous récupérer. Il va y avoir bientôt les élections fédérales et nombreux sont les politiciens désireux de se faire un peu de publicité. Quand ils ont vu qu’on arrivait à mobiliser autant du monde, ils se sont dit qu’ils pouvaient chercher à en profiter, dans le but de recevoir quelques voix de plus. Dans les médias, il y a des articles qui vont dans ce sens. Certains représentants du mouvement ont même été abordés directement par des politiciens.
L’école a-t-elle un rôle à jouer dans la transition écologique ?
Y : L’apprentissage écologique pourrait passer par l’école, mais à l’heure actuelle ce n’est pas du tout le cas. Ça dépend beaucoup de la sensibilité du professeur. Mais mis à part les cours de géographie, qui durent seulement un an selon le programme, on parle très peu d’écologie. Je pense qu’il faudrait essayer de changer le programme scolaire ou obliger les élèves à suivre des projets écologiques dans les écoles. Je me suis renseignée sur des projets tels que les « éco-écoles ». Il s’agirait alors de faire des actions comme proposer des plats végétariens à la cantine, des jardins potagers, l’usage des énergies renouvelables, ou encore instituer des cours de sensibilisation écologique obligatoires pour les élèves. Ces initiatives ne sont pas généralisées en Suisse. Ça pourrait être un projet pour l’avenir. Dans notre gymnase on a un groupe qui s’appelle » éco-cité » et qui a déjà fait des actions et séances d’informations. Il n’a pourtant pas un grand écho. Réviser les programmes scolaires permettrait d’y inclure ce genre d’initiative.
G : Une autre initiative consisterait à limiter les voyages d’études par avion ou à changer le système d’éclairage des bâtiments. Il y a plein de choses comme ça qu’on pourrait faire et qui pourraient avoir un impact sur l’environnement si elles sont généralisées.
Quelles sont les prochaines étapes en vue de la manifestation du 15 mars prochain ?
G : On a une séance cantonale ce dimanche [10 février]. On va faire un bilan de la mobilisation du 2 février et on va discuter des points à améliorer pour bien préparer la manifestation du 15 mars. L’un des enjeux sera de mieux montrer l’ancrage international des mobilisations puisqu’il y aura des manifestations gigantesques à travers le monde [2]. C’est l’occasion de montrer que l’unité d’action pour sauver le climat se déploie à l’échelle internationale. C’est le point commun de toutes les manifestations : que l’on fasse quelque chose de concret pour sauver la planète avant qu’il soit trop tard pour arrêter le réchauffement climatique !
Y : On va donc se coordonner au niveau international pour avoir des manifestations plus ou moins similaires. Ce ne sera donc plus qu’un message envoyé au gouvernement suisse, mais un message envoyé aux gouvernements du monde entier.
Vous dites que l’universalité de la question écologique est le pilier de la mobilisation. En même temps, crise écologique et crise sociale vont de pair, comme le montrent plusieurs catastrophes naturelles. Quel est pour vous le lien entre crise sociale et crise écologique ?
Y : C’est clairement lié. C’est difficile de demander à un pays sous-développé qui n’arrive pas à garantir la nourriture à ses habitants d’arrêter de polluer. On n’a pourtant pas encore abordé cette question du comment la question écologique peut-être résolue dans ces pays. De plus, les produits écologiques sont plutôt chers et c’est donc difficile pour les personnes plus pauvres de les consommer. L’écologie touche plusieurs aspects de la vie et concerne toutes les personnes. On peut difficilement se détacher de l’économie mondiale et faire notre propre économie écologique. Je pense qu’il faut un changement du système pour que les comportements écologiques soient possibles pour tout le monde.
G : Il faut une entre-aide entre les pays les plus riches et les plus pauvres pour qu’il soit possible d’appliquer une économie respectueuse à la fois de l’aspect social et de l’environnement.
Quels sont les chemins qui vous ont conduit à prendre conscience de la gravité de la crise climatique ?
G : C’est depuis notre enfance que nous avons forgé cette conscience. D’abord, sur les réseaux sociaux ; puis, dans les mobilisations. De manière générale, nous cherchons d’obtenir le plus d’information sur la crise écologique. En effet, si on n’a pas des données et des informations fiables, on ne pourrait jamais prendre des initiatives. Il y a par exemple de nombreux films célèbres sur la thématique de l’autodestruction humaine en lien avec l’écologie. Les films de science-fiction nous ont beaucoup marqués car ils posent la thématique de l’être humain qui s’autodétruit et qui doit lutter pour éviter la catastrophe. Je pense par exemple à Interstellaire[3].
Y : De plus en plus de livres et d’articles paraissent également sur le sujet. Ce sont des choses sérieuses rédigées par des professeurs universitaires et des climatologues. Dans mon cas, c’est surtout après avoir vu le film Demain[4] que ma prise de conscience a commencé. Le récent rapport du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a aussi joué un rôle important.
Donc, rendez-vous le 15 mars 2019 à Lausanne pour la grève mondiale du climat ?
Nous espérons une grosse mobilisation de la part de la jeunesse. Nous avons besoin de tout le monde pour cette lutte écologique qui nous concerne tous. Nous voulons lancer un message clair aux politiciens. Il faut qu’ils nous écoutent et qu’ils puissent se rallier à cette cause.
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Notes
[1] Le 22 janvier le Grand Conseil vaudois a adopté une résolution du député Raphaël Mahaim (Les Verts) réclamant le soutien des députés au mouvement. La rencontre entre une délégation du Conseil d’État et celle des élèves mobilisés aura lieu le 13 février. Pour les autorités il s’agit de discuter de la manière de « définir la manière dont les propositions et les constats des jeunes peuvent être pris en compte dans l’élaboration du plan climat cantonal ».
[2] Les différents collectifs qui animent les grèves pour le climat dans plus de 40 pays dans le monde ont proclamé une grève mondiale pour le climat le 15 mars 2019. Pour plus d’informations, visitez le site : http://globalclimatestrikeforfutur.wesign.it/fr
[3] Film de science-fiction britannico-américain réalisé par Christopher Nolan. Le film se déroule dans un futur proche et raconte la mission astronautiquede « Terriens » dont le but est de trouver un nouveau monde habitable pour l’humanité depuis que les ressources de la planète Terre sont épuisées. Dans ce nouveau monde, il y a besoin davantage d’agriculteurs et d’éleveurs que d’ingénieurs.
[4] Film-documentaire français réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent. Il est sorti en 2015 et a connu un succès de public. Le film raconte les diverses initiatives mises en place par des personnes vivant dans dix pays, dont la Suisse, pour faire face au défi climatique. Pour plus d’informations sur le film : https://www.demain-lefilm.com/le-film