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À propos de « Le peuple veut » de Gilbert Achcar

le peuple veut achcarPar Nicola Cianferoni*

Professeur à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de l’Université de Londres, Gilbert Achcar a publié un ouvrage qui interroge les causes structurelles à l’origine des soulèvements populaires dans les pays arabes depuis 2011. Il en ressort une description minutieuse et bien documentée d’un blocage dans le développement économique et social de la région, combinant «les désavantages d’un capitalisme d’État bureaucratique parvenu aux limites de son potentiel développementaliste et d’un capitalisme néolibéral corrompu». Ce blocage s’exprime par une augmentation généralisée de la pauvreté, des inégalités et du chômage pour les jeunes, les femmes et les personnes diplômées. Aucune force politique organisée ne semble toutefois en mesure de porter un véritable processus de transformation des rapports sociaux s’appuyant sur les luttes sociales. Les mouvances islamistes et libérales ne se posent pas en rupture avec les politiques capitalistes néolibérales tandis que le mouvement ouvrier reste encore faible – en dépit de son caractère revendicatif en Égypte et en Tunisie.

Le premier bilan des deux premières années du soulèvement arabe que l’auteur propose pour six pays reste d’une grande actualité même si la situation sociale et politique évolue rapidement. La structure de classes survit à la chute des régimes au même titre que les appareils militaires de répression, à l’exception de la Lybie (où se produit un bouleversement des structures étatiques sans révolution sociale) et de la Syrie (plongée dans une guerre civile). La consolidation d’une démocratie libérale l’emportera-t-elle même si les contradictions sociales à l’origine du blocage n’ont pas encore été résolues? Pour l’auteur, la réponse dépendra de la capacité du mouvement ouvrier indépendant de se développer au point de permettre la réalisation des aspirations fondamentales des soulèvements populaires, à savoir: la liberté, la dignité et la justice sociale.

* Cette note de lecture est parue dans La brèche n°7, octobre 2013.