Après avoir joué la montre et minimisé la catastrophe nucléaire de Fukushima pendant plusieurs semaines, les autorités japonaises ont finalement déclaré que le degré 7 avait été atteint. Et rien n’est «sous contrôle». Il s’agit là du plus haut niveau sur l’échelle de classification des accidents nucléaires ; le même que celui attribué à la catastrophe de Tchernobyl de 1986. Aujourd’hui encore, la population d’une très vase région autour de Tchernobyl en subit les conséquences. Et les générations futures continueront à en payer le prix, que ce soit en termes de malformations génétiques, de cancers, de dommages environnementaux ou de l’impossibilité de faire vivre une société durant une période très très longue dans la gigantesque zone contaminée.
Il en sera de même pour Fukushima et le Japon : nous sommes tous concernés par cette catastrophe malgré ce que disent nos experts. Un accident nucléaire ne fait pas que des victimes immédiates : ses conséquences pèsent sur l’environnement et sur l’ensemble de la population mondiale pendant des siècles. Les mers, les airs et les eaux ne connaissent pas de frontières ; ils ne respectent pas nos conventions ; ils se déplacent selon leurs propres lois et colportent, d’un bout à l’autre de la planète, les fruits empoisonnés de ce prétendu progrès.
Certes, on pourra toujours dire que la Suisse ne connaîtra jamais une situation similaire à celle qu’a connue le nord du Japon : jamais un tremblement de terre doublé d’un tsunami ne viendra détruire un pan de notre pays. Partout dans le monde, les pro-nucléaires ont souligné le caractère exceptionnel des événements auxquels a été confronté le Japon. Or, le 17 mai 2011, le gouvernement japonais avouait, enfin, qu’un scénario identique à celui – réalisé – du 15 mars était dans les cartons ! De quoi transformer la gestion du gouvernement et de la société privée, Tepco, en actes criminels, quasi prémédités ! Pour échapper «aux coûts» d’une «reconstruction», ils ont choisi de sacrifier les êtres humains et une partie du pays.
En Californie, par exemple, les experts se sont empressés de déclarer que les centrales de cet État pouvaient résister aux séismes d’amplitude majeure que l’on pouvait prévoir pour la région… oubliant que l’on chantait le même refrain à Fukushima, avant de prendre conscience que, parfois, la nature peut surprendre tout le monde et toutes les prévisions ! Car, quels que soient les efforts mis en œuvre pour l’étudier et l’asservir à certains besoins dictés par les dominants, la nature reste et restera imprévisible.
Il n’y a pas de centrales « sûres »
Et pour cause, nous ne sommes pas en mesure (et nous ne le serons jamais) de prévoir tous les risques auxquels nous sommes exposés. Les catastrophes le montrent bien : la plupart du temps, soit elles arrivent sans crier gare, soit elles nous surprennent par leur ampleur.
Aujourd’hui, tout le monde s’empresse de tester les « mesures de sécurité » des centrales en activité pour voir si elles sont aux normes ou de geler les projets de construction des prochaines, tant que la situation ne se sera pas calmée. Au-delà des discours que l’on nous sert sur les mesures de sécurité mises en place pour éviter ou, dans le pire des cas, modérer les dommages causés sur la santé des personnes et l’environnement, l’énergie nucléaire reste une force qui, une fois qu’elle échappe à notre maîtrise, ne peut plus être arrêtée ou modérée en suivant des plans préétablis. Nous ne sommes pas à l’abri des imprévus. La question n’est pas de savoir si un accident peut se produire, mais quand il aura lieu.
Le risque d’être confrontés aux mêmes conséquences à court et à long terme de désastres comme ceux de Fukushima ou Tchernobyl devrait suffire à nous convaincre que les coûts humains et sociaux de ce type de catastrophes pèsent bien plus lourd dans la balance que tous les avantages qu’offre l’exploitation de centrales nucléaires. Et quand bien même cela ne suffirait pas, ajoutons un autre problème, non des moindres : celui du stockage des déchets radioactifs. Où finissent-ils ? Quelles preuves avons-nous qu’ils sont vraiment en sécurité ? Et comment définissons-nous la sécurité ? Et une fois que les paramètres de sécurité ont été définis, qui peut nous garantir qu’ils seront respectés ? Rien ne nous garantit que toutes les parties prenantes respecteront leurs obligations et que les déchets seront traités de sorte à ce qu’ils ne nuisent ni à nous, ni aux générations futures. En outre, si l’on tire les leçons de ce qui s’est passé, nous ne pouvons pas avoir la certitude que les mesures éventuelles, même respectées à la lettre, suffiront à atteindre ce « risque zéro » qui n’existe pas. L’imprévisible, un jour ou l’autre, s’imposera. Nous ne pouvons pas nous permettre de courir de tels risques. Notre planète est bien trop précieuse. En jeu, il y a bien la survie de l’humanité.
Le capitalisme au cœur du problème
Les milieux favorables au nucléaire s’opposent à toutes ces préoccupations et s’engagent à maintenir en vigueur le système productif et énergétique actuel. On y entend que, sans le nucléaire, notre train de vie serait sérieusement compromis ; qu’il faudrait contrôler la consommation des ménages ; que chacun-e d’entre nous devrait renoncer à quelque chose. Ou que l’économie serait pénalisée si l’énergie à disposition devait diminuer et, de surcroît, son coût augmenter. Ces arguments, qui se prétendent « raisonnables », ont des objectifs évidents. Il s’agit avant tout de faire en sorte que nous nous sentions complices du système et, donc, un peu coupables, décourageant ainsi toute volonté d’opposition à l’égard du nucléaire. Mais cela leur permet aussi de faire du chantage sous prétexte que la « santé du système productif et économique » dans lequel nous vivons, et dont nous dépendons, ne pourrait survivre sans cette source d’énergie.
À cela, nous répondons que les plus grands consommateurs d’énergie, ce ne sont pas les consommateurs, mais les entreprises et le type de production priorisée pour le profit. Or, nous n’avons pratiquement jamais notre mot à dire sur les choix des méthodes et des finalités de la production, et donc aussi sur ce que l’on consomme. Le capitalisme, dans sa logique de maximisation constante des profits, est obligé d’augmenter continuellement la production de marchandises, indépendamment de la manière dont celles-ci répondent ou pas aux besoins sociaux. Tout ce qui est produit n’est pas forcément nécessaire pour un bien-être social effectif. Au contraire ! Pensons par exemple aux emballages de certaines marchandises qui se répercutent sur le prix final des produits avec un coût économique et environnemental, y compris pour leur élimination ; ou encore, le type de production de véhicules pour assurer une mobilité efficace et intelligente. Sans même parler de la production massive des armes : en 2010, les dépenses militaires se sont élevées à 1630 milliards de dollars ! Il en va de même avec le travail : 1° les conditions actuelles de travail ont des effets nuisibles sur la santé de plus en plus prouvés, et de manière extrême pour les travailleurs temporaires du secteur nucléaire ; 2° une part importante du travail social est détournée pour des productions nuisibles à la santé et à l’environnement ; 3° en réduisant le chômage, en modifiant le travail et la production, une semaine de 25 heures de travail serait possible combinant loisirs, culture, travail et créativité pour une société bien plus sobre dans l’utilisation d’énergie.
À ceux qui considèrent que la sortie du nucléaire n’est pas économiquement aménageable, nous répondons que c’est bien ce système économique à ne pas être soutenable d’un point de vue écologique, humain et éthique. La défense du nucléaire, tout autant que du système économique et social qui le rend indispensable, est criminelle devant l’humanité présente et future.
La revendication d’une sortie immédiate du nucléaire signifie, pour nous, de remettre en cause également un système économique et social, celui capitaliste, orienté vers la valorisation du capital plutôt que vers la satisfaction des besoins sociaux de la population.
Luttons pour sortir du nucléaire, luttons contre le capitalisme !
Cinq dangers qui se cumulent
Les rejets radioactifs de Fukushima Daiichi ont les impacts suivants : 1° exposition aux rayonnements qu’émettent les aérosols et les gaz radioactifs transportés par les vents ; 2° exposition aux rayonnements émis par les produits radioactifs qui retombent au sol et s’accumulent ; 3° contamination externe liée au dépôt de particules sur la peau et les cheveux, avec possibilité de contamination interne (petites blessures, doigt porté à la bouche…) ; 4° contamination interne par inhalation ; 5° contamination interne par ingestion d’eau et d’aliments contaminés.
Nucléaire : comment en sortir ?
Un exemple nous montre que la « sortie du nucléaire » est possible: actuellement 210′000 logements chauffés à l’électricité consomment, en hiver, quatre fois plus que l’électricité produite par Mühleberg. Rien qu’en les remplaçant progressivement par des chauffages aux pellets ou par des pompes à chaleur, on pourra se passer de Mühleberg, Beznau 1 et Beznau 2 !